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A fond les balais

Ceux qui, jeu après jeu, remplissent leur bibliothèque - au cours d'un extraordinaire numéro de transformisme qui la verra devenir ludothèque - ne sont pas avares en jurons dès qu'un éditeur propose un nouveau format de boite. Un peu-beaucoup maniaque, Bibi est de ceux qui rangent en début de partie ses pions devant lui comme un petit caporal fait une revue d'effectif. Alors des boites tarabiscotées, lovés sur ses étagères dans des positions kama-sutresques, voilà une idée intolérable. Et pourtant, l'incroyable packaging de "Du balai" ne souffrira d'aucun ronchonnement. C'est plutôt bichonné qu'il trônera seul sur sa petite tablette, baigné de tout l'amour d'un petit spot. "Du balai", c'est le jeu que vous allez aimer avant même d'avoir lancé le moindre dé. Ensorcelé ? Ce n'est que le début...

On vous laissera contempler en détail ce magnifique grimoire qui ne tient pas lieu uniquement d'emballage. Joindre l'utile à l'agréable prend ici tout son sens puisque ce livre en trompe l'oeil est un élément de jeu à part entière qu'on ferme, qu'on claque au nez de ses petits camarades de jeu. Et vous allez vite comprendre pourquoi.

Juché sur votre balai, vous voilà au départ d'une course de sorcières. Et pour faire avancer votre monture, il faudra trouver les meilleures formules magiques en enfilant des Zââm, des Boulgâ ou autres Foulzz. A ces drôles de sonorités, qu'on croirait sorties d'une chanson de Gainsbourg, sont associés des symboles qu'affichent une ribambelle de dés. 9 pour être précis. Jetés à chaque tour dans le livre ouvert, il s'agit le plus vite possible de mémoriser les symboles ainsi révélés ... pour espérer trouver une formule magique digne de ce nom.

Comme dans tout jeu d'observation et de rapidité, il faut quelques embûches. Ici, des dés bicolores vous obligent à combiner uniquement ceux de même couleur. Pire : il vous sera impossible d'utiliser un symbole présent dans les 2 couleurs !. Alors ? Faut-il faire la formule noire ou orange ? Ne tergiversez pas car à tout moment, n'importe quel joueur peut décider de refermer le grimoire.

Et voilà ! C'est malin ! Vous étiez concentré comme jamais, la formule parfaite en ligne de mire et cet idiot, là, à votre droite vient de refermer le couvercle. Y'a des claques qui se perdent. Y'a aussi des protestations qui fusent. Déstabilisé, marmonnant mille supplices pour l'infâme, vous en oubliez l'essentiel : quels étaient les symboles visibles ? La correctionnelle est parfois toute proche, avec un trou noir sorti de nulle part. Gasp ! C'était une araignée ou une toile d'araignée en double ? Bien que, comme tous les autres, vous usiez des mêmes ficelles avec quelques mots clés emberlificotés, ce n'est pas gagné : "Eclair-toile-tête" ou encore "étoile-pique-mort" tourne ainsi en boucle dans votre petite tête, tout en rassemblant parmi vos cartes les symboles équivalents. Et puis le doute s'installe. La moindre erreur et vous faites du surplace. Alors ne faut-il pas assurer le coup en écourtant votre formule ? Une carte en moins, c'est peut-être une case en moins de franchie. Mais c'est peut-être un mal pour un bien. Voilà d'ailleurs ce qui est formidable dans "Du balai" : tout le monde peut avancer durant le même tour. On est bien loin du mécanisme habituel de ce type de jeu où seul le plus rapide est récompensé.

Parce que les auteurs ont bien travaillé leur sujet, quelques bonus vous incitent à prendre des risques, à tenter le grand chelem. Si vous parvenez à composer la plus grande formule possible dans une couleur (parfois un seul dé suffit !), vous pourrez grappiller quelques cases ou une carte action des plus avantageuses. Et comme les auteurs ont décidément très très bien travaillé, ils ont collé au joueur en tête une malédiction qui l'empêche de prétendre à ces bonus. Si ce petit mécanisme vise à éviter une domination à outrance d'un joueur, il ne fait aucun doute que celui-ci cherchera du coup à fermer au plus vite le grimoire. Et comme un joueur qui ferme le livre et qui se trompe de formule recule de 2 cases, on s'apercçoit à quel point "Du balai" est finement pensé et équilibré.

Ce merveilleux jeu signé Bruno Cathala et Serge Laget est sans aucun doute possible l'un des meilleurs de sa catégorie. Le thème, le packaging ne sont pas les seules clés de cette réussite. Le souci constant des 2 auteurs de ne laisser aucun joueur sur la touche devrait même convaincre les habituels allergiques aux jeux d'observation. Vous ne gagnerez peut-être pas mais vous ne serez pas ridicules. Et vous aurez même une chance de jouer les challengers. Tributaire d'une production complexe, "Du balai"a malheureusement raté le coche de Noël initialement prévu. Avec sa règle accessible et son look incroyable, il postulait pourtant au titre de cadeau idéal. Nul doute que vous aurez maintes occasions en 2006 pour faire des heureux. En commençant par vous...

POUSSIERE, TU REDEVIENDRAS ...

Bon, d'accord : l'idée de faire un parcours un peu secoué façon quidditch sert bien le thème. Mais dans la pratique, c'est totalement insupportable : dès qu'il s'agit de compter les points, on se demande par quel côté avancer sa sorcière. Euh... je recule là ou j'avance ? • La piste s'arrête à 22 sans marquer les bonus pour les premiers arrivés. c'était si difficile de mettre 3 cases supplémentaires ? • Le bois utilisé pour les dés rend certains symboles illisibles. Heureusement que l'éditeur a prévu un petit set d'autocollants ! • Rabaisser l'intercalaire plutôt que fermer le livre, cela reste moins percutant visuellement. Mais si vous voulez que "Du balai" résiste au temps, vous n'avez guère le choix... • Si tous les joueurs décident de mémoriser le plus longtemps possible les dés, le mécanisme de fermeture du grimoire n'a plus aucun intérêt... et le jeu perd toute sa saveur •