le Clube
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A L'ABORDAGE...
Vous allez choyer cette édition française de Piratenbucht. Bien
rangée, bien époussetée, avec chaque élément
de jeu dans son compartiment : il sera hors de question que quiconque y pose
ses doigts sans un passage obligé par la savonnette. Attention, une
relation aussi contemplative et maniaque peut vous mener au divorce. Laissez-vous
aller, la crique n'est pas un objet de culte mais bien un rendez-vous sympa
de vieux brigands.
Dans un premier temps, la Crique des Pirates se mérite. Car avant de
partir à l'abordage, il faudra vous armer ... de patience pour franchir
l'écueil des règles, un brin disproportionnées en regard de l'esprit du jeu. Du coup,
la Crique échappe au statut "familial" malgré un mécanisme général limpide.
En début de partie vous héritez d'un bateau, une sorte de chat
pelé abandonné auquel vous allez tenter de donner un semblant
de panache. Avec quelques pièces d'or, reliquat de votre dernière
forfaiture ayant échappé à l'appel de la taverne, vous
allez lui apporter quelques améliorations : augmenter la voilure pour
être le plus rapide sur les mers (et dans les combats), engager de vaillants
matelots, multiplier les canons ou enfin aménager la cale pour y accueillir
encore plus de trésors. Ces 4 caractéristiques seront garantes
de votre succès ou de votre errance : à vous de les développer
tout au long des 12 tours que dure cette aventure afin d'être craint
et évité de tous.
Vos galons de pirate des pirates, il faudra les gagner en faisant preuve de
témérité et de roublardise. Car si les îles aux alentours
sont pleines de promesses, vous n'avez pas l'intention de partager votre butin
avec vos adversaires. Mais vous
aurez beau prétendre savoir lire dans les entrailles d'un vieux mérou,
les plans des uns et des autres seront aussi troubles que les eaux que vous fréquentez.
Du coup, la révélation de la destination de chacun est souvent
source d'éclats de voix. Bien avant les charters allemands, vous constaterez
vite qu'un "bon petit coin tranquille" reste du domaine du rêve.
Cette phase navigation au cours de laquelle chaque joueur choisit secrètement
et simultanément sa destination est un moment d'exquise tension : croyez-nous,
si votre bateau se tient encore à flots par le plus grand des miracles,
vous prierez fort pour ne pas croiser un adversaire et le fer.
Car comme Highlander, il ne pourra en rester qu'un.
Au delà même de votre calcul afin d'éviter vos comparses,
le choix de l'île se complique car chacune possède des arguments à
faire pâlir les dépliants des agences de voyage. Trésor, or,
cartes, points de renommée forment un petit
panier "plaisir d'offrir"qui vous rendra fou. Comme chacun de ces
paradis vous permet également de faire une amélioration sur
votre navire (par exemple renforcer la coque), il faudra mettre dans la balance
les exigences de celui-ci face à votre soif de gloire.
Bien-sur, cette spécificité des îles peut vous permettre
de deviner les intentions de vos adversaires : un bateau avec une cale remplie ira
vraisemblablement sur l'île centrale pour enterrer son butin tandis qu'un
navire à l'armement un peu faible tentera sans doute de rejoindre l'île
aux canons. Mais ça cogite aussi chez vos adversaires, surtout chez
les plus faibles. Et ces évidences qui pourraient avoir un parfum
de trafalgar donnent lieu à des changements de cap, pas toujours heureux
d'ailleurs. Et c'est bien ça qui est drôle.
Le fait que 2 bateaux ou plus se retrouvent dans l'anse de la même crique
va donc donner lieu à un combat dont un seul navire sortira vainqueur.
La voilure déterminera qui tirera la première bordée
et en fonction de l'équipage ou des canons, 2 à 6 dés
seront lancés. Plus travaillé que la majorité des jeux
de combat habituels, il vous faudra cibler à bon escient la partie
du bateau adverse que vous souhaitez mettre à mal : les canons pour
réduire la force de frappe de l'ennemi ou la voilure pour espérer
tirer avant lui lors de la prochaine bordée. Lorsque plus de 2 bateaux
sont engagés dans un combat, la Crique prend une dimension "multi-joueurs"
assez excitante. Et les alliances se font et se défont pour faire fuir,
les uns après les autres, tous ces indélicats qui veulent piquer
finalement un trésor qui vous ai du. Histoire de pimenter ces échanges
de politesse, des cartes peuvent être jouées avant ou pendant
le combat, Parfois redoutables, elles permettent avec un peu de chance d'inverser
une situation bien compromise jusque là. Il ne faudra donc pas négliger
l'opportunité d'obtenir ces cartes salvatrices même si elles
ne sont pas uniquement dédiées aux phases de combat.
Votre renommée, comme la partie, vous la gagnerez lors des combats
remportés face à vos adversaires ou en enterrant quelques trésors
pillés par ci par là. Il vous faudra parfois faire face à
la Royal Navy, envoyée par l'un de vos adversaires ou encore, si vous
êtes téméraire et bien armé, défié
l'un des pirates de légende (joueurs fictifs, généralement
coriaces). La crique des pirates vous permet en fait de sortir votre épingle
du jeu, même si vous n'avez pas le bateau le plus puissant. Et si vous
savez jouer les parfaites anguilles, les canons adverses seront peut-être
des investissements à fond perdu qui vous laisseront le champ libre
vers la victoire.
La Crique des pirates est au bout du compte un excellent investissement...et divertissement. Sans
être transcendant dans ses mécanismes, son univers excessivement
réussi, son suspense, ses combats croisés, son esprit décontracté
ne peuvent que lui attirer la sympathie et - à moins d'être définitivement
réfractaire aux dés - on imagine mal cette très belle
réédition signée Days of Wonder prendre la poussière
dans votre armoire. L'un des bons crus 2003, également fort apprécié aux brunchs du Clube (note ci-contre).
LES CHALOUPES A LA MER
Même si le jeu a été intelligemment rééquilibré à 3 joueurs avec un 2e pirate de légende, la Crique prend toute sa dimension à 4 ... et surtout 5 joueurs • Certes le design est beaucoup plus réussi que l'édition allemande...
mais l'ensemble perd parfois en clarté • Euh... pourquoi le plateau
est quadrillé? Bon, moi je pose la question car aux dernières
nouvelles, les bateaux y avancent pas de case en case • Si tout le monde
est bien sage lors des premiers tours, après ça devient l'anarchie
: plus personne n'attend la fin des combats pour piller les îles où
ils se trouvent seuls. Hé, ça vous intéresse pas que
mon équipage se fasse décimer ? Et pendant que je recharge mes
canons, vous feriez pas quelques entourloupes avec 13 trésors à
la douzaine ? • Imaginez toute une partie à regarder les autres combattre. Et vous, tranquille pendant 12 tours, à faire la poussière sur vos canons. Palpitant • Même si cela a été amélioré dans la version française, pas évident d'intégrer la subtilité entre les cartes "abordage" et les cartes "bordée"• Difficile de commencer la partie par un combat perdu (et je ne vous parle pas de 2 !) • Bon, c'est sympa les pirates de légende, les perroquets, les
artisans..... mais stop !!!! Vous savez que parfois, faut garder des idées
pour d'autres jeux? • On peut trouver l'ensemble un brin répétitif
• Le 12e et dernier tour est rarement passionnant • des dés, des cartes aux valeurs très inégales : cela va faire ronchonner certains • Aaaah le petit veinard qui va choper
la seule carte " + 3 points de renommée" • Pas de stratégie possible • Foutus perroquets ! •