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LES PLAISIRS DU PALAIS

Depuis le sacre des aventuriers du rail (décliné en 3 versions), la politique est claire chez Days of Wonder : on ne tire pas à tout va, n'importe où, n'importe comment, tel un cowboy aviné marquant le tempo de sa gigue aux pétarades de ses colts. Non : on met une seule balle dans le barillet, on prend le temps de viser. Le coup claque sèchement et les mouches se mettent en vol stationnaire, focalisées sur cette balle en or, jouant du "bullet-time" façon Matrix, où même l'air semble s'écarter pour ne pas dévier la balle de son destin : marquer les esprits.

Et lorsqu'on soulève le couvercle de Cléopâtre et la société des architectes, les mouches sont bien en vol stationnaire. On se croirait à nouveau dans notre petit pyjama mickey, du haut de nos 8 ans, un matin de noël, extirpant du papier, puis du carton, puis du cello, une multitude de figurines pour jouer aux indiens. Sauf qu'ici, c'est aux égyptiens. Alors on sort des obélisques, des phoenix, un trône, des murs, des statuettes d'Anubis, on déplie les petites pyramides cartonées, on s'ébahit. Papa DoW a bien fait les choses. Une nouvelle fois.

Avec cette surenchère de moulages, de cartes ou de pions... on pourrait prendre peur et s'attendre à un livret de règles pharaonique. Détrompez-vous, l'ensemble reste très accessible...

L'histoire commence avec ce pauvre grand sphinx défiguré. Côté nez, on sait que c'est un sujet sensible chez miss Cléo. Seul un palais magnifique semble pouvoir calmer sa colère. Ses architectes (vous) décident alors d'unir leurs talents pour que la démesure soit à nouveau au rendez-vous. Mais dans toute entreprise commune, la tentation est grande de vouloir tirer la couverture à soi en construisant les parties les plus prestigieuses du palais. Pour cela, il vous faudra sans doute emprunter des chemins détournés. Et croyez nous : il est facile de passer du côté de la force obscure. Avec l'appui de quelques relations douteuses, l'utilisation de matières premières de qualité moindre, vous voilà corrompu avant même d'y avoir pensé. Et penser, vous auriez du. Car le dieu crocodile Sobek s'en lèche déjà les babines. Mais ne donnons pas si tôt en pâture le ventre de l'architecte.

On peut convenir que Cléopâtre et la société secrète des architectes est un jeu de cartes. La rolls des jeux de cartes. Tout ce que vous allez construire aurait pu être représenté par de simples cartes ou des tuiles ? Vous aurez des moulages à la place ! La boite ? un simple emballage ? Retournez-là et vous aurez un palais.
Chez l'éditeur, un thème ça se travaille. Comme un cheveu trop fin, on lui donne du volume par tous les moyens. Et il faut convenir que le résultat frappe les esprits et notre imaginaire. A ce jeu de construction ont été ajouté 2 mécanismes dont on aurait pu se passer mais dont l'apport ludique est indéniable : le grand prêtre (un tour d'enchères cachées) et surtout la mosaique (des pentaminos). Et qui font de ce jeu de cartes... un jeu de plateau aux mécanismes variés et distrayants !

A chaque tour de jeu, il vous faudra choisir entre compléter votre main au "marché" ou construire. Comme vous le voyez, il n'y a pas pléthore d'actions. Récupérer des cartes reste l'action la plus régulière : 3 piles sont présentes en permanence au marché, composées d'une ou plusieurs cartes visibles ou non. Les cartes cachées, si elles vous permettent de réserver quelques surprises à vos compagnons de jeu, ne vous garantissent aucunement de compléter vos combinaisons envisagées. Logique. Pire : elles peuvent encombrer votre main, limitée en théorie à 10 cartes à la fin de votre tour. Surtout : elles peuvent vous faire perdre - si elles sont corrompues - dans les ultimes instants de la partie. Alors il faudra choisir parfois entre prendre 1 ou 2 cartes bien ciblées ou une kyrielle plus aléatoire de cartes, histoire de compléter plus rapidement votre main. Car ne vous y trompez-pas : la construction de ce palais est une course contre la montre et prendre 1 seule carte au marché revient pratiquement à perdre un tour. Alors ? Etes-vous prêts à prendre des risques ?

Sauf si vous estimez qu'une construction puisse vous échapper, vous attendrez d'avoir le maximum de cartes en main pour bâtir. Car si vos cartes le permettent, vous construirez plusieurs éléments du palais durant le même tour : d'abord parce que cela revient là aussi à gagner 1 ou 2 tours de jeu, d'autre part parce qu'un bonus est attribué en cas de constructions multiples. Seul petit frein : avec 10 cartes, il n'est pas toujours aisé de construire plus d'un élément. Et on en revient à l'importance du marché. Et à une phase à ne pas négliger : son réassort.

En effet, lorsqu'un joueur s'est servi au marché, il prend ensuite les 3 premières cartes de la pioche et en pose une sur chacune des piles : il remplace ainsi la pile qu'il a choisie et complète les 2 autres. Le choix de répartition ne sera pas innocent et visera à ne pas avantager ses adversaires. Bien plus d'ailleurs qu'à se préparer le terrain pour le tour suivant. Selon le choix des joueurs, une pile du marché peut se retrouver avec 5, 6, 7 cartes ou plus. Du pain béni pour celui qui vient de construire et qui peut remonter ainsi rapidement sa main. Idem pour celui qui fricote avec les contrebandiers.

Aaah.... les contrebandiers ! Nous entrons avec eux dans la partie exquise du jeu, dans cette sensation d'user et d'abuser de pouvoirs qui pourraient coûter chers en fin de partie si cela venait à s'apprendre. Car en jouant une carte contrebandier, vous avez la possibilité de garder plus de 10 cartes en main... et de sans doute pouvoir construire plusieurs élements au tour d'après. Pourquoi se priver alors de cette manigance ? Tout simplement parce qu'elle déplait au dieu Sobek qui n'aime pas les architectes corrompus. Du coup, vous devrez glisser dans votre pyramide une petite amulette. Et cela ne sera sans doute pas la seule.

La tentation est en effet grande de faire appel aux courtisanes, scribes, mendiants et autres personnages que vous croiserez tout au long de la partie. Parfois, vous n'aurez d'ailleurs d'autre solution que de demander leur aide. Et amulette après amulette, votre sombre collection commencera à vous donner des sueurs froides. Car vous connaissez la sentence si - en fin de partie - vous êtes l'architecte le plus corrompu : vous serez le festin des crocodiles de la reine. De quoi réfléchir avant d'utiliser du marbre de seconde catégorie ou d'user de l'influence de l'ambassadeur.

Pour éviter le châtiment suprême, il s'agit de ne pas prendre à la légère le jardin royal, qu'une mosaïque saura assurément embellir. Les auteurs - Cathala et Maublanc - prennent ici à contrepied les pentaminos qui ont fait la gloire du Tétris ou de blokus. Alors qu'il s'agit d'habitude de les encastrer "à tout va", il faudra dans Cleopatre et la société des architectes les utiliser comme des "clotures", afin de délimiter judicieusement des sanctuaires en l'honneur d'Anubis. Et chaque case de ces "espaces", c'est une amulette en moins. Alors on cherche à créer la zone la plus importante et ce n'est chose aisée.

Dans Cléopatre, la petite cerise sur le gâteau est un tour d'enchères cachées pour tenter de calmer le Grand prêtre quelque peu excédé par les pratiques de nos architectes. Chacun ira de son offrande, dont la plus gérereuse aura valeur de rédemption (-3 amulettes). Les autres, c'est à dire ceux qui ont offensés le grand prêtre avec une offrande insuffisante, s'enfonceront un peu plus dans le déshonneur en ajoutant de 1 à plusieurs amulettes dans leur pyramide. Le courroux du grand prêtre étant lié au hasard des dés, on ne sait jamais s'il interviendra dans une partie, et combien de fois.

A n'en pas douter, Cleopâtre et la société des architectes est une superproduction qu'il est difficile d'ignorer. On est agréablement surpris par la simplicité du jeu, et la variété de ses mécanismes fait qu'on ne tombe pas dans la routine du jeu de combinaisons. Les 2 idées fortes restent bien-sur l'utilisation des pentaminos, dans un exercice renouvelé et bien-sur l'épée de Damoclès que constituent les amulettes de Corruption. Ceux qui ont l'habitude de High Society (ou Einfach tierish, sa réédition) savent à quel point ce mécanisme pimente la partie, et garantit un suspense jusqu'au décompte final.

GRANDEUR ET DÉCADENCE...

En fait, le principal défaut de Cléopatre n'est-il pas sa démesure, à l'image de la reine d'égypte ? Beaucoup de tape à l'oeil, d'ambition visuelle pour un jeu dont la profondeur tactique reste limitée et liée à la pioche, même si celle-ci peut-être en partie contrôlée • Il est dommage qu'on ne puisse pas construire les murs immédiatement à coté des portes du palais : c'est un petit détail qui nuit à l'explication des règles... et à la logique de construction • Dans une configuration à 3 joueurs, la carte "mendiants" est trop coûteuse • Et il est où le sablier pour le mécanisme des mosaiques ? Car j'en connais - surtout avec l'aide du scribe - qui passerait bien leur nuit à jouer aux pentaminos, à retourner dans tous les sens toutes les configurations possibles, en espérant gagner 1 petite case de rien du tout • Dire que la victoire peut se jouer uniquement aux cartes corrompues qui restent en main à la fin de la partie !!!! Rageant • Impossible de gagner sans artisans, indispensables pour toutes les combinaisons. Et on vous assure, on peut les chercher vainement durant toute la partie • Il y a un manque d'interactivité certain, même indirecte : certes on peut essayer de deviner ce que vont construire les autres architectes en surveillant la phase de marché mais cet effort est souvent vain car il est difficile de contrer... si vous n'avez pas les cartes • A part le jardin royal, l'apport ludique/tactique de ce beau décor est inexistant • Franchement, quand on contemple à la fin de la partie la disposition rocambolesque de la mosaique, on se dit qu'une reine aussi capricieuse que Cléopâtre jetterait TOUS ses architectes aux crocodiles • Les joueurs oublient trop souvent de lancer les dés du grand prêtre après avoir construit. Du coup, si le mécanisme est rigolo, n'est-il pas celui de trop ? • C'est dommage, y a pas de moulage de crocodile, ni de capitraine crochet... comment ça, c'est pas la même histoire ?

 

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