A LA DÉCOUVERTE DE CONTRARIO
Premier coup de maître
Toujours difficile de faire la critique d'un jeu que le créateur a eu la gentillesse de nous faire parvenir. On est toujours un peu fébrile à l'idée de ne pas aimer. Surtout qu'ici, il s'agit du premier opus d'un nouvel éditeur... et on a envie de donner un coup de pouce plutôt qu'un coup de gueule. C'est en fait unanimement qu'on a voté pour un coup de maître. Enthousiastes, les 8 joueurs répartis en 2 tables ont attribué une note entre 7... et 8. Pour une première impression, difficile de rêver mieux
L'idée de Contrario n'est pas forcément nouvelle si vous êtes
assidu des jeux télévisés mais elle est diablement efficace
: prenez une expression connue, un titre de film ou de roman... et changez-en
tous les termes par un mot de même famille, un synonyme ou un contraire.
Et essayez de faire retrouver l'originale. Vous obtenez alors un jeu qui remue
vos méninges sans vous prendre la tête.
La première
bonne surprise, c'est l'emballage : coloré, un brin art déco
et surtout... métallique. Ce type de boite généralement
réservée aux biscuits caoutchouteux de nos grands mères
fera son effet chaque fois que vous l'exhiberez ou l'offrirez.
La deuxième satisfaction, c'est une jouabilité immédiate
( ce qui semble être la philosophie éditoriale de Cocktailgames)
: 30 secondes d'explications, puis on joint l'exemple à la théorie,
qu'on enchaîne avec une p'tite mise en pratique, histoire de préchauffer
le four à neurones de chacun des joueurs... et c'est parti mon kiki
! Au début, ce n'est pas brillant. On est déstabilisé
car on s'aperçoit vite que ce n'est pas systématiquement l'inverse
des mots qu'il faut trouver, que parfois il faut mixer synonymes et contraires
: en résumé, vous avez largement de quoi partir sur des fausses
pistes si vous vous focalisez sur une seule solution. Et toute l'intelligence
du jeu est bien là : vous obliger à remettre en question votre
réflexion, vous refuser tout automatisme... et s'amuser de vous avec
des expressions travesties, souvent drôles et dont la formulation force
parfois le respect tellement on vous a mené par le bout du nez. On
s'exclame, on applaudit celui qui a trouvé en premier la bonne clé
pour ouvrir l'une des 1600 serrures proposées par Contrario. On enchaîne
alors très vite avec l'énigme suivante, espérant cette
fois être le plus rapide.
"Familial mais pas con" : c'est le pari réussi de ce jeu
où chacun a sa chance puisque une absence de référence
culturelle peut parfois être compensée si vous savez jongler
avec les mots. Cette volonté de ne pas déséquilibrer
la partie selon les forces en présence se retrouve surtout dans une
curieuse idée. En effet, pour gagner, il faut remporter 5 cartes...
chacune comportant 5 expressions déguisées : une seule (désignée
aléatoirement) vous permettra de gagner cette carte. Seul problème
: ce n'est qu'après avoir tenté de dévoiler les 5 expressions
cachées d'une carte qu'on vous révèle "l'expression
gagnante". Cela veut dire que vous pouvez friser le grand chelem avec
4 bonnes réponses mais vous faire quand même coiffer au poteau
par Raymonde qui en a trouvé - certes - qu'une... mais celle qu'il
fallait. Injuste ? Si vous aimez être récompensé à
votre juste valeur, persuadez vous que les probabilités devraient jouer
en votre faveur. A la lecture de ce mécanisme, j'avoue m'être
un peu inquiété de ce côté hasardeux et je m'attendais
à quelques vives réactions au cours du jeu. Erreur totale :
aucun tollé d'indignation ne fut soulevé car en pratique, cette
idée est finalement assez finaude, donnant à chacun sa chance...
et générant finalement un suspense bienvenu.
En fait, on peut
jouer à Contrario comme on mange un After Eight : comme ça,
sur le pouce, une petite carte en passant histoire de faire sa gymnastique
cérébrale quotidienne. Les enfants peuvent l'emmener en voiture
et papa, qui ne doit pas lâcher le volant, pourra y participer. Les
navigateurs solitaires pourront même s'en accommoder... vous voyez,
Contrario est destiné à un large public.
Au guichet des réclamations, on a pas trouvé grand chose. Il
nous a semblé important d'avoir le bon tempo : évitez donc de
laisser trop de temps de réflexion aux joueurs et relancez la machine
sans trop tarder avec les deux indices liés à chaque expression.
Si c'est un jeu d'esprit, c'est aussi un jeu de rapidité. La règle
pour deux semble réservée aux tourtereaux tant elle implique
une proximité physique (on lit côte-côte la même
carte !) Les cartes imprimées recto verso se distinguent modérément
malgré une dominante jaune ou orange suivant la face. Quelques expressions
sont un peu tirées par les cheveux, quelques redondances aussi( "guerre
des écoles" et "école bourgeoise" pour "lutte
des classes" et "classe ouvrière"), ainsi qu'une petite
bourde au niveau des indices parmi les cartes jouées ce soir là
( Jacques Pradel n'a jamais animé " avis de recherche"...
mais "perdu de vue". L'animateur, c'était Patrick Sabatier)...
et puis nous avons eu un doute sur la durabilité du jeu : n' a-t-on
pas consommé trop vite les 1600 expressions ? Ne se souvient-on pas
de certaines de "ces énigmes" tant elles sont parfois marquantes
? Le temps et les parties répondront à ce flou. Mais on se prête
quand même à rêverà des recharges.