PILES SURVOLTÉES
Encore un jeu avec des pirates ? Vous plaisantez ? Est-ce qu'il y aurait une bonne âme dans l'auditoire pour dire aux personnes concernées qu'on va finir par se lasser ? Bon, la bonne nouvelle, c'est que ce n'est pas pour cette fois-ci ! Seerauber est une petite machine bien huilée, dont le thème usé jusqu'à la corde est sauvé des eaux, puisqu'il est globalement en accord avec les mécanismes.
Au début de la partie, chacun reçoit 5 gros jetons de même couleur, présentant des visages de pirates, presque affables. Ils sont devant vous, face visible, prêts à s'engager dans un équipage contre une rémunération comprise entre 2 et 5 ducats après le pillage d'un navire. Par exemple, le capitaine : vous lui donneriez combien ? Oui, vous monsieur, au fond.... 5 ? Bravo, quelle perspicacité. Et pour le mousse ? ...2 ? Encore une bonne réponse pour le monsieur du fond. Halala, m'sieurs-d'mes, on a peut-être un futur auteur de jeux parmi nous. Allez, un petit dernier pour notre champion : le pirate au visage émacié, sans doute vif comme l'éclair, combien ? Allez, combien monsieur ? 3... 4 ? Buzzzz "Yooou Looose" !!! Ni 3, ni 4 mais un point d'interrogation... parce que son salaire varie en fonction du bateau attaqué ! Vous voyez cher monsieur : y'a le talent... et puis vous, qui prétendez pouvoir inventer un jeu en 2 coups de cuillère à... Comment ? Vous n'avez jamais prétendu quoi que ce soit ? Vous avez une mercedes cabrio, un écran plasma géant, 3 maîtresses et de quoi payer 2 yougoslaves pour m'épiler au cure-dent ? Ok, si vous le prenez sur ce ton, je ne vous ferai pas profiter de mes accointances ludiques: j'aurais pu vous présenter par exemple Gérard Faidutti... Bruno ? Bruno Faidutti ? Vous en êtes sur ? Ha, vous le connaissez personnellement ! C'est lui qui lave votre Benz le week-end ? C'est sur, ça donne pas envie de créer des jeux...
Quoi ? Quels pirates ? Oh, ça va, ça va, on y revient.
Au centre de la table, 3 cartes "bateau" ont été révélées et il va falloir vous constituer un équipage, capable de partir à l'abordage de l'un d'eux. Par exemple, si un navire affiche une défense de "4", il vous faudra attaquer avec au minimum 4 pirates. Pour enrôler, glissez sous l'un de vos pirates ou l'une de vos piles un jeton ou une pile adverse ! Si vous ajoutez par exemple une pile de 2 jetons, prise chez votre voisin de gauche, sous 2 autres de vos pirates précedemment empilés, vous obtenez un équipage composé de 4 membres... qui pourra attaquer dès le prochain tour un bateau d'une défense maximale de 4. A moins qu'entre temps, votre équipage soit débauché...
Il va donc s'agir de faire le bon calcul, celui qui coûterait trop cher à vos partenaires de jeux. Car une fois le bateau attaqué et le butin dérobé (entre 6 et 30 ducats), faut rémunerer ses hommes : plus nombreux que vous, il semble suicidaire de vouloir partir avec la caisse. Vous révélez (découvrez ?) tous les pions composant l'équipage... et leur salaire ! Vous avez évidemment beaucoup de sympathie pour les mousses, de braves gosses dont le courage sans faille ne vous coûtera que 2 ducats. C'est déjà plus tendu lorsqu'il s'agit d'en lâcher 5 à ces capitaines arrogants, qui vivent, selon vous, sur leur curriculum vitae. Rappelez-vous cependant qu'ils ont surmonté l'affront d'être commandé par vous. Une fois la distribution du butin effectuée, les joueurs concernés récupèrent leurs pirates, prêts à s'engager dans un nouvel équipage
Il s'agit bien-sûr d'envoyer à l'abordage l'équipage qui vous laissera le plus grand bénéfice après redistribution. Mais saurez-vous vous souvenir de qui est où, dans cette valse hystérique de pirates qui s'empilent les uns sur les autres ? Surtout, quel interêt à prendre le commandement d'un équipage s'il doit vous mettre sur la paille ?
Bijoux, chandeliers, rhum, armes... voilà la chasse gardée du capitaine (le pion au dessus de la pile) et parfois de son second (celui en deuxième position dans la pile). Selon la taille des bateaux, jusqu'à deux trésors sont disponibles, en plus des ducats : le Capitaine se servira en premier en prenant soin, si possible, de ne pas laisser un trésor trop profitable à son second. Car ces trésors ne prennent vraiment de la valeur que si un joueur en possède la majorité en fin de partie... Et avoir, par exemple, le maximum de coffres, c'est 15 ducats en plus ! Pour les épées, seulement 6 petits ducats récompenseront le joueur majoritaire. Il y a des choix qui risquent de s'imposer.
Dans cette course aux majorités, Seerauber frôle parfois le jeu d'enchères, où chacun se demande s'il est raisonnable de payer un pirate de plus que nécessaire, juste pour prendre la main... et avoir le choix du trésor. Difficile également d'ignorer, avant d'attaquer, celui qui tient la place du second, rôle qu'on cherchera de son côté à endosser dans les équipages adverses.
C'est seulement une fois que les 3 navires auront été pillés qu'on en révélera 3 nouveaux. Certains chercheront à anticiper, à se constituer un équipage en vue de cette nouvelle fournée. Mais il ne faut pas oublier quelques petits détails : d'abord, il peut y avoir mutinerie et un joueur qui a 3 de ses pirates dans votre équipage peut vous obliger à attaquer prématurément. Une situation peu enviable si vous avez une pile de 6 pirates et qu'il ne reste sur la table qu'un bateau avec une faible défense : cela va vous coûter cher ! Autre technique : ne laisser aucune possibilité de temporisation en isolant le dernier équipage d'un adversaire. Limiter ainsi son choix d'action risque de lui faire grincer des dents... et l'obliger à une manoeuvre financièrement calamiteuse.
On vous dira peut-être que Seerauber est un jeu d'apéritif. Simple et rapide. Ce serait avoir une vision bien étroite de ce qui est sans doute l'un des meilleurs rapports qualité/prix/plaisir de cette année 2006. Pour 10 euros en Allemagne (à peine plus en France), comment ne pas craquer pour ce jeu aux multiples qualités ? Infiltrer les équipages adverses avec vos pirates les plus coûteux, briguer la place de second, savoir prendre la main, temporiser, pousser vos adversaires à attaquer, éviter d'être en position d'essuyer une mutinerie... et surtout, vous souvenir quelle bande de pirates enrôler pour que votre butin ne fonde pas comme neige au soleil : comme vous le voyez, le programme est bien plus chargé qu'il n'y paraît...
ENGAGEZ-VOUS, QU'ILS DISAIENT...
C'est marrant, je croyais que chaque bande de pirates n'avait pour maître qu'un seul capitaine. Dans Seerauber, on assiste à un immense Mercato où les transferts d'un camp à l'autre semblent peu probables • A 5 joueurs, en un seul tour de jeu, si tous vos adversaires ont décidé d'enrôler l'un de vos pirates, il ne vous reste plus grand chose à faire dès le tour suivant. Ah si : être spectateur ! • Au début, on ne sait jamais trop quel pirate empiler... sur quel pirate adverse • Il faut bien reconnaître qu'il y a une petite part de hasard lorsque 3 nouveaux navires arrivent... et que certains joueurs peuvent attaquer immédiatement avant de pouvoir se faire contrer. De quoi faire pencher la balance pour certaines majorités en ballottage. juste pour une histoire d'ordre de tour ! • Ah bon ? Un équipage peut-être sous les ordres d'un mousse ?