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HISTOIRE D'eau
Un bon jeu finit-il toujours par être reconnu ? Pris dans la nasse des nouveautés d'Essen, Santiago aurait pu être le petit poisson qu'on rejette à la
mer: une production un peu lisse, 2 auteurs inconnus, un énième jeu d'enchères et de placement... allez, zou ! A la flotte ! Mais voilà, la pêche au gros n'a pas le charme des petites criques où on passe l'aprem dans sa barque, pendu à une simple palengrotte. Si vous revenez avec le modeste Santiago dans la besace, croyez-nous, vous êtes loin d'être bredouille!
Si l'archipel du Cap vert peut faire rêver à quelque farniente les pieds dans le sable, c'est surtout vos mains que vous plongerez dans la terre, histoire de tirer quelques bénéfices de vos parcelles cultivées. A une époque où certains font leurs choux gras de l'expérience rurale, retrouver l'àme rugueuse des paysans ne devrait effrayer personne.
Santiago n'évite pas les traditionnelles enchères. Jouées en 1 seul tour, elles se révèlent cependant d'une très grande finesse et permettent d'acheter son rang au cours de la phase d'acquisition (et de placement) des tuiles. Tirées au sort au début du tour, celles-ci représentent des cultures (banane, patate, etc..) et indiquent le nombre de travailleurs (1 ou 2) nécessaires à leur exploitation. Si mettre le pactole vous permet de choisir "culture" et "parcelle" au mieux de vos intérêts, cela ne vous assure pas obligatoirement un retour sur investissement. Tout cela à cause d'un petit bonhomme : le constructeur de canal, un fonctionnaire un peu borné mais qui n'est pas insensible au bruissement des billets.
Car rien ne sert d'investir le terrain le plus prometteur si celui-ci n'est pas irrigué. L'absence d'eau fera fuir les travailleurs les uns après les autres et votre parcelle, une fois abandonnée, ressemblera à un no man's land que seul un Club-Med "3e âge" pourrait sauver. Alors va falloir convaincre le grand manitou du robinet de faire piocher ici plutôt que là : vous ferez une suggestion en indiquant sur le plateau le tracé idéal du canal à construire. Afin que votre projet soit bien entendu, n'hésitez pas à allonger un peu d'oseille histoire qu'il puisse vérifier auprès d'un praticien compétent la qualité de son système auditif. Evidemment, chacun aura sa petite idée, proposera de longer ses champs de patates, l'autre ses bananiers... et puis parfois les intérêts seront communs et plusieurs paysans pourront s'unir pour que la mariée soit plus belle. Reste au responsable du canal de choisir. Ce pouvoir envié et redouté sera tenu par celui qui aura fait l'enchère la plus basse pendant la première phase ! Vous comprenez dès lors toute la subtilité de ces premières enchères : acquérir les plus belles terres ou décider celles qui seront irriguées, le choix est savoureux.
En fin de partie, le nombre de parcelles adjacentes d'une même culture sont multipliées par le nombre de vos travailleurs s'y trouvant. Dans ce décompte, qu'importe si certaines parcelles sont sans travailleur ou occupées par vos adversaires : du coup, cette alliance possible entre différents joueurs pour une même culture donne encore plus d'intérêt dans les négociations avec le constructeur de canal.
Véritable star de Santiago, ce constructeur est un rôle en or que chacun tentera de décrocher. Mais attendez le bon moment, les configurations de jeu et vos intérêts pouvant être très différents selon les tours. Vous chercherez alors à récupérer le maximum de bakchich, de contrer un adversaire trop dangereux ou encore de vous préparer le terrain pour le tour suivant...
Que Santiago ne figure pas dans la longue liste des meilleurs jeux 2004, concoctée par Le jury du Spiel des Jahres, reste une surprise. Car le jeu de Claudia Hely et Roman Pelek, c'est le plaisir du petit resto de quartier avec sa formule à 10 euros, entrée, dessert et pichet compris. On s'y arrête un peu par hasard, on en ressort ragaillardi, persuadé d'avoir trouvé le bon plan de l'année. Tout en équilibre et finesse, à la fois tendu et accessible, avec des mécanismes servant admirablement le thème, Santiago possède cette vraie personnalité qui lui assure de n'être pas le énième doublon de votre ludothèque. Un investissement sûr.
CANAL MOINS
Franchement, les billets de 50 escudos, ils servent à quelque chose ? • Y'avait plus de pions rouges ou verts à l'usine pour nous mettre du blanc et du naturel, difficiles à distinguer ? • Le plateau manque de stabilité • Impossible d'évaluer le score de chacun en cours de partie sans calculette, feuille et crayon. Bon, d'accord, c'est possible sans calculette... mais c'est contraignant... et on perd de l'instinctif • Non testé à 3... mais le sentiment que le jeu doit perdre en intérêt dans cette configuration • Aucune stratégie possible au delà de 2 coups • Certains tours peuvent être un peu longs si 1 ou 2 joueurs sont tiraillés dans leurs choix.