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Chateau millÉSIMÉ

Voilà un univers enfantin qui cache bien son jeu. Certes, vous pourriez être tenté de laisser cette moue dédaigneuse envahir votre visage, de celle que vous réservez à ces jeux de 3e catégorie totalement décérébrés. Annoncé "à partir de 6 ans", le rictus moqueur vous guette : "Tu m'as vu en culotte courte aujourd'hui ? J'ai des carambars pleins les poches ? Je nage dans des sandalettes transparentes 2 tailles au dessus de ma pointure ? Nan. Alors tu me ranges ton jeu pour les "chtis gnanfants" et puis on va causer 5 minutes de la mauvaise passe ludique que tu traverses, hein ? Parce que si tu veux qu'on reste amis, va falloir arrêter le junior régressif. Tu souffres d'une Caylusite aiguë ? Tu t'es mis à la diète ?".

Pendant que Môssieur vous invective, vous rappelle votre rang de fin stratège à tenir - et par là même, le sien - ouvrez tranquillement la boîte du Burg Appenzell, mettez les créneaux aux 4 tours du château, créez le labyrinthe, cachez le sous les toits et exhibez l'arme ultime : des souris bien trop craquantes, même pour le plus fin des stratèges qui vient de se taire. D'accord, elles n'auront peut-être pas le charme pour certains d'un bon vieux troll des familles... mais difficile de ne pas les prendre en main. Là, il suffit juste de ferrer : "allez, joue 3 minutes et je te paris que tu veux finir la partie".

Car Burg Appenzell laisse tomber le masque dès le premier tour. Aucun adulte ne sera dupe : ce jeu est un tiroir à double-fond. Si les enfants se focaliseront essentiellement sur le mécanisme rigolo des souris qu'on peut faire tomber dans des trous, les plus grands auront tôt fait de prendre la température de l'eau. Et de la trouver bien bonne. Et bien plus profonde qu'il n'y paraissait.

Burg Appenzell, c'est d'abord un labyrinthe qui rappellera le hit Ravensburger, multi-décliné. Le principe reste toujours efficace : une tuile qu'on insère au bout d'une rangée pour décaler d'un cran toutes ses composantes et créer à chaque fois, une nouvelle aire de jeu. Ici, les tuiles passent parfois sous des dalles fixes et il faudra donc un peu exercer sa mémoire. Et plutôt deux fois qu'une puisque l'ensemble du château (en fait, la boite de jeu) est recouvert de toits amovibles, qu'on enlève... et qu'on remet.

Halala, ces fameux toits. On commence le jeu en roue libre "ouais, ok, j'ai 4 actions. Fastoche. Bon, j'enlève ce toit histoire de voir : donc dans ce coin là, il y a du roquefort et du gruyère, fastoche (bis). Tiens, j'enlève un autre toit : de la mimolette ? Elle aime bien ça ma p'tite mimi la mimimolette... allez, je la rapproche et c'est à toi de jouer. Quoi ? Remettre le premier toit à sa place parce qu'il n'y a aucune souris là-bas ? C'est la règle ? Bon, si tu veux. Voilaaaaa, c'est fait - Silence - P...., c'était quoi déjà en dessous ???

Voilà, bienvenue dans Burg Appenzell, le jeu où on croit que c'est de la piste bleue... et on se retrouve sur une belle rouge. Si les principaux ingrédients mécaniques s'amusent à nous faire tourner en bourrique, la base du jeu reste la collecte de fromages. Pour cela, il faut déplacer 2 de vos 4 souris sur deux cases avec le même fromage. Et renouveler cette course très tactique jusqu'à obtenir 4 fromages différents. On recouvre, on découvre, on décale, on se tient à distance des pièges, on tente des alliances tacites pour que les trous se déplacent plus vite qu'une souris, on bloque, on sacrifie parfois pour le gain d'un fromage. Et on se délecte toujours lorsque le sol se dérobe.

N'y allons pas par 4 trous de souris : on n'avait rien vu d'aussi réjouissant chez cet éditeur depuis Niagara en 2005. Et lorsqu'on connaît le destin fabuleux de son aîné, on est en droit de croire que ce jeu faussement bon enfant peut créer la surprise et devenir l'un des jeux marquants de l'année 2007.

Véritable surprise du chef, Burg Appenzell réalise un grand écart ludique où le célèbre "de 7 à 77 ans" n'est pas qu'une formule marketing. Surtout qu'ici, c'est à partir de 6 ans ! Entre enfants et adultes, si le besoin se fait sentir, on peut même équilibrer le rapport de force : obliger l'adulte à collecter plus de fromages, à jouer avec une souris en moins, donner une action de plus par tour à l'enfant… tous les handicaps sont possibles. Ne passez pas à côté de ce jeu, formidable dans sa conception, drôle et furieusement tactique et qui va surprendre plus d'un joueur chevronné

Tu me feras le plaisir de reboucher ce trou ...

Les pans de toit sont parfois difficiles à enlever sans tout bouger à côté... et ainsi dévoiler quelques cases • A 2 joueurs, il serait bon de pouvoir pousser 1 tuile 2 fois par tour au lieu d'une seule • Les souris sont toutes mignonnes mais sensibles aux chocs : en début de partie, il est un peu contraignant de les extraire de leurs trous de souris et on a tendance à renverser la boîte pour les déverser sur la table. Attention à la casse • Les marqueurs fromage se rangent dans les oubliettes du château... et ont tendance à y rester coincés • D'une manière générale, le rangement est fastidieux • On a parfois tendance à oublier à la fin de son tour de recouvrir d'un toit les zones non occupées • En stationnant sur les fromages, les souris rendent parfois difficile la lisibilité du plateau • Le fait que le déplacement des souris soit orthogonal mais qu'on puisse soulever un toit placé en diagonale est une nuance qui complique le jeu pour les plus jeunes

© clube - mai 2007

 

 

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