A LA DÉCOUVERTE D'UNE VIE DE CHIEN
Une vie de Chien est donc la grosse sortie de Descartes pour cette rentrée 2001. Signé Christophe Boelinger, ce jeu a une vocation clairement familiale. L'illustration fort réussie de la boite ne laisse d'ailleurs à ce sujet aucun doute. Une vie de chien, dans les rayons, accrochera il... et les enfants feront sans doute quelques caprices pour adopter ce chien des rues pour lui éviter la fourrière. Après avoir lutté pour définir un univers ludique adulte, Descartes ne cherche-t-il pas maintenant le lien perdu (ou du moins introuvable) entre le jeu intelligent et le grand public ? Les Dragons du Mekong s'inscrivait déjà dans cette démarche mais là où le jeu de roberto Fraga avait une vraie personnalité et des mécanismes plutôt novateurs pour le commun des joueurs, "Une vie de chien" adopte une position plus neutre en soignant avant tout l'esthétique globale du jeu, ce qui ne lui manquera pas d'ailleurs de lui attirer la sympathie de nombreuses personnes. Et il est vrai qu'on tombe sous le charme de ce jeu dès qu'on déplie son plateau de jeu, vraiment formidable : 1O minutes suffiront à peine pour découvrir les moindres détails de ce tableau urbain plein de drôlerie. Voilà, c'est incompréhensible, vous n'avez pas encore joué... et vous aimez déjà ce jeu. Car la vraie grande idée de celui-ci, c'est son thème, tout en connivence. Comment ne pas aimer ces chiens de rue qui luttent pour survivre et ne pas se faire attraper par la fourrière ? Comment ne pas penser à Disney et à "la belle et le clochard"?
Ce qui nous a déstabilisé dans "une vie de chien",
ce sont les pions. Vous allez les aimer ou les détester. Nous... euh...
on a pas aimer. Même si ces chiens ont été vraiment soignés
dans leur conception, on les croit plus volontiers sortis d'une vitrine à
bibelots de mamy que de l'univers de l'oncle Walt. La cohérence avec
le reste du jeu en pâtit. Nous sommes dans un univers fantaisiste, irréel,
caricatural... et on joue avec des chiens miniatures empaillés, vendus
par correspondance dans télé 7 jours !! Pourquoi avoir abandonné
l'esprit BD ? Cela leur enlève leur âme de cabot., les banalise,
dénature leur personnalité (alors que c'est sans doute l'une
des bonnes idées du jeu comme nous le verrons).
Cette petite déception digérée, le jeu peut commencer.
Chacun a tiré au sort son terrain vague, repère et point de
départ du canin que vous êtes devenu. Certes, vous partez avec
un handicap : SNF (sans niche fixe). Et il faudra vous battre avec les autres
voyous de la rue qui n'hésiteront pas à vous montrer les crocs
pour vous empêcher d'enterrer 4 os sur votre territoire et scellé
ainsi votre victoire.
Si votre objectif reste de trouver ces os et de les enterrer... votre priorité,
c'est de manger. Et le jeu est parfait dans cette quête permanente du
Graal. La nourriture est rare... et affaibli, vous risquez fort de vous faire
ramasser par la fourrière, que certains osent encore appeler les services
sociaux de la ville. Cette partie du jeu est vraiment réussie : quand
vous fouillez en vain une poubelle, que vous n'arrivez pas à attendrir
ces chiens de restaurateurs... le stress est bien là. Et il ne vous
quitte jamais. Surtout qu'au fur et à mesure du jeu, il y a de moins
en moins de poubelles à fouiller. Et que vos points d'action ( différents
suivant les chiens) vous limitent vite en trajet.
Dans une vie de chien, tout coûte : se déplacer, fouiller, ramasser,
attaquer... et pisser. Il vous faudra donc faire les bons choix. La jolie
astuce de Boelinger, c'est d'avoir affublé chaque chien de caractéristiques
dominantes : plus enjôleur, plus rapide, plus malin, plus hargneux.
Chacun possède sa propre pioche, dont chaque carte (13 au total) regroupe
les 6 résultats possibles suivant l'action de votre chien. Il vous
faudra bien examiner ces 13 cartes au début du jeu : elles vous révéleront
vos points forts et vous aideront à déterminer votre stratégie.
Notre "testeuse" avait adoptée "belle" parce qu'elle
était la plus enjôleuse, donc avec un taux de réussite
plus important dès qu'il s'agissait de quémander. Après
s'être fait jetée des trois premiers restos, "Belle"
fut surnommée "Conne" et menacée de coloration rose
si elle n'obtenait pas un steak. La menace a finalement fonctionné.
Faire d'un pissou l'axe stratégique d'un jeu, c'était osé.
Pourtant, Christophe boelinger l'a fait. Et vous le ferez, lever cette foutue
patte à chaque réverbère. Car c'est l'une des clés
du jeu. Une case marquée de votre p'tit pipi ralentira énormément
les autres chiens. Choisissez bien vos cases, cernez les repères de
vos adversaires... et vous aurez l'occasion de leur envoyer le camion de fourrière
ou de les attaquer quand ils chercheront à regagner leurs pénates.
Et surtout; n'oubliez pas en croisant une fontaine, de remplir la citerne
qui vous sert de vessie
Chien de rue, vous ne rechignez pas à rendre service, espérant
ainsi une récompense. Votre truc, c'est coursier. Mais sans scooter.
Vous passez alors au kiosque et on vous confie un journal : on vous indique
un chiffre secret correspondant à un bâtiment dans la ville.
C'est là que vous devez livrer. Il est seulement dommage que les concepteurs
graphiques n'aient pas respecté l'architecture (en escargot) de la
ville et sa logique. Mélanger ainsi les chiffres est, soit idiot, soit
vicieux. Au bout du compte, on s'énerve à trouver le bon numéro
au milieu de la multitude de détails du plateau.
Notre première impression a donc été positive. Rien de
révolutionnaire, loin de là, mais un thème formidable
et réellement bien exploité,aux multiples actions, certes un
peu redondantes et tributaires d'un facteur chance assez important. Sa dose
homéopathique de stratégie risque également de faire
chou blanc chez ceux qui ne jurent que par "Euphrat & Tigris".
Mais le jeu est vraiment sympathique et possède les atouts pour séduire
un public moins averti. Les 35 minutes pour lire et assimiler la règle
nous semble cependant un peu disproportionnées en regard de l'approche
ludique d'Une vie de chien.