Il y a exactement deux ans, un petit jeu ne trouvait d'autre solution que la micro édition, histoire de ne pas rester au fond d'un carton. Jusque là, les éditeurs estimaient celui-ci pétri de qualités mais trop cher à produire pour sa catégorie. Mais voilà, les 250 exemplaires faits main par Neuroludic ont été vendus en quelques jours. Un Buzz formidable se mit alors en marche. Et le plus rapide à comprendre ce que n'avaient pas compris les éditeurs fut Yves Menu, qui créa pour l'occasion sa maison d'édition : Mister jack allait enfin avoir le destin qu'il méritait (une vraie édition, puis une extension, un premier - mais sans doute pas le dernier - prix décerné, une version online...) ! Ce serait bien que les éditeurs pensent à tout ceci lorsqu'ils auront Dice Town entre les mains.
Dice Town, c'est le nouveau bébé des auteurs de Mister jack, Cléopatre ou encore Paparazzi. On a fait pire comme parents. Pourtant, Dice Town ne commence pas dans la vie avec les meilleurs atouts : lui aussi demande quelques efforts de production puiqu'en plus des éléments classiques (cartes, jetons, etc...) il nécessite 20 dés de poker. Et ça, chez les éditeurs, c'est le concours de grimaces assuré.
Beaucoup de professionnels semblent avoir occulté le fabuleux mécanisme ombre/lumière de Mister Jack, qui aurait secoué le secteur un peu naphtaliné des jeux à 2. Dans Dice Town, il ne faudrait pas qu'ils fassent l'impasse sur la relecture de Bruno Cathala et Ludovic Maublanc des classiques combinaisons de poker, prouvant qu'on peut encore renouveler le jeu de dés.
Dice Town, comme son nom l'indique, se passe au Farwest. Et vous allez tenter de faire main basse sur la ville en recrutant à chaque tour 5 hommes de main (représentés par les dés) pour former la meilleure équipe - c'est à dire la meilleure combinaison de poker - afin d'obtenir des titres de propriétés. Mais pas seulement.
La formidable idée de Dice town, c'est que chaque composante de votre combinaison vous permet également d'intervenir dans les différents lieux de la ville : celui qui aura le plus de 9 exploitera la mine, le plus de 10 dévalisera la banque, les valets ouvriront les portes du drugstore et de ses cartes bonus ou action, les dames du Saloon feront picoler vos adversaires pour que vous puissiez mieux leur faire les poches et, enfin, les rois vont permettre de corrompre le sherif (afin de faire pencher en votre faveur une égalité).
Cela signifie qu'avec une simple combinaison de 5 dés, vous tentez d'agir dans les 6 lieux de la ville ! Et s'il est difficile d'être de partout (quoi qu'avec une suite et des égalités adverses qui s'annulent, tout reste de l'ordre du possible), le recutement demande des choix qui prouvent que les dés ne font pas toujours la loi dans Dice Town.
A chaque tour, chacun lancera derrière son paravent ses 5 dés et en gardera un gratuitement. S'il le souhaite, un joueur pourra payer une pièce pour chaque dé supplémentaire conservé. Puis le ou les dés seront révélés et chacun fera un nouveau jet avec les dés qu'il lui reste. Et ainsi de suite.
La constitution de votre équipe est un pur moment ludique. Bien-sur on retrouve les délices et les caprices des dés, qui font vibrer tout joueur digne de ce nom. Mais nous sommes loin des Yams et autres jeux de dés liés uniquement à la prise de risque. Ici, on fait dans le simultané et le secret. Avec de vraies questions après chaque lancer : Est-ce que je continue sur mon idée même si un adversaire a les même plans que moi ? Est-ce que je paie pour garder plus de dés ? Car le rythme du tour est dicté par celui qui réunit le plus vite possible son équipe (les autres n'auront alors qu'un seul et dernier jet pour compléter leur combinaison).
Je ne vais pas y aller par quatre chemins : j'ai eu plus qu'un coup de coeur en découvrant Dice town. Si j'ai décidé d'en faire aujourd'hui mon édito, c'est qu'une chose bien curieuse m'est arrivée depuis ma première partie.
Je suis du genre Papillon, c'est à dire à virevolter de nouveauté en nouveauté, loin des entrailles d'un jeu pour débusquer la stratégie ultime. Mais voilà presque 2 mois qu'une grosse pile fraichement ramenée d'Essen me tend les bras... et me laisse indifférent. Car la vraie nouveauté, la vraie excitation (réitérée à chaque partie), je l'ai trouvée dans la mécanique novatrice de Dice Town. Ce qui fait qu'aujourd'hui, lorsque vient le moment de jouer, la poussière reste sur les jolies boites de l'Année du dragon, de Ming Dynastie et de tant d'autres... car je leur préfère ce petit prototype laid comme mon premier caleçon. Et qui m'assure de 45 minutes de bonheur.
Alors messieurs les éditeurs, enlevez votre Damart si vous voulez être le plus rapide de l'Ouest. Dice Town a tout pour être un hit. Auprès de tous les publics, de tous les joueurs. Il me suffit de voir l'accueil réservé à Dice Town dès la première partie.
Conquérir de nouvelles parts de marché (c'est à dire trouver de nouveaux joueurs) reste logique et impératif. Mais cela ne se fait pas uniquement en mètres linéaires occupés. Il ne faudra pas confondre surcoût et valeur ajoutée et ainsi oublier, dans les mois et années à venir, de chouchouter ceux qui sont montés dans le train depuis plusieurs stations et qui pourraient commencer à grogner qu'on leur serve la même tambouille. Dice Town ne ressemble qu'à Dice Town. Et nous avons besoin de jeux qui ne ressemblent qu'à eux mêmes.
Voilà donc le premier édito à faire l'apologie d'un jeu encore dans les starting-blocks. Je lance le chrono - et les paris - en cette fin 2007: qui sera le plus prompt à dégainer ? Car je suis impatient que ce jeu ne ressemble plus à mon premier caleçon.
Supercloclo | DECEMBRE 2007
lire l'édito d'Octobre
"Parcours d'un joueur invétéré"